Psychologie

Bulletin 42 -

Le myélome impacte aussi la vie sociale

Le cancer bouscule la vie sociale des malades et de leurs proches. Il peut les isoler socialement, du fait de l’arrêt des activités de la vie quotidienne, des loisirs, ou encore de l’activité professionnelle. Il peut aussi provoquer un sentiment d’incompréhension, voire d’exclusion. Isolement amplifié pendant la crise sanitaire. Entretien avec Frédérique Gibert, psychologue clinicienne au service d’hématologie du centre hospitalier Lyon Sud.

La maladie provoque un sentiment d’isolement

L’annonce de diagnostic d’une pathologie lourde et chronique provoque des bouleversements,une rupture de la vie professionnelle et sociale, parfois précocement. Elle exclut d’emblée les malades, c’est comme une mise à la retraite précoce. L’hospitalisation provoque de fait un isolement, accru avec la crise sanitaire. La fatigue et la douleur isolent également et provoquent un  décalage avec les proches qui ne sont plus sur le même rythme, certaines activités n’étant plus envisageables. Les malades sont quelquefois mis à l’écart, certaines personnes de leur  entourage ont peur de la maladie, se sentent démunis et peuvent faire preuve de maladresse à leur insu. Certains patients n’osent pas parler du myélome et s’auto-isolent de crainte de se  sentir diminués ou d’inquiéter leurs proches. Il y a alors un décalage, l’entourage ne peut pas toujours s’ajuster à l’état de santé du malade, surtout lorsque celui-ci a terminé sa phase de  traitement. Dans une société où il faut être très actif, la maladie met à l’écart.

 

Maintenir un lien social en s’entourant de personnes bienveillantes

Si les malades en ont la force et le courage, il faut essayer de trouver des activités adaptées à leurs capacités physiques et qui leur plaisent. Il faut aussi veiller à ne pas s’entourer de personnes  trop anxiogènes et privilégier les personnes bienveillantes, mais en général, ils le font naturellement. Il faut aussi apprendre à gérer sa douleur, sa fatigue dans la mesure du possible. Certains  malades qui ont déjà eu plusieurs lignes de traitement connaissent bien les effets secondaires, leurs limites et savent ainsi gérer les interactions avec leur entourage. Il est important d’apprendre à bien se connaître. Certains vont s’inscrire dans des associations comme l’AF3M qui vont leur permettre de pouvoir échanger avec des pairs, d’autres préfèreront se socialiser avec  des personnes qui ne sont pas malades, moins anxiogènes pour eux. S’il y a un sentiment d’isolement ou d’exclusion qui perdure malgré diˆfférentes tentatives, il faut consulter un psychologue, cela peut être le signe d’une dépression sous-jacente.

 

Trouver la bonne distance entre patients et proches

Il y a des familles très fusionnelles, d’autres moins. Chacun a son fonctionnement familial mais il faut que les proches arrivent à trouver une juste distance, ni trop près ni trop loin. Trop loin, le  patient se sent abandonné et encore plus exclu. Trop près, par excès de culpabilité ou de bienveillance, l’aidant va renoncer à ses propres activités, ce qui est encore plus culpabilisant pour le  malade, voire étouffant. Certains couples finissent par fonctionner en vase clos, ce qui accentue cet isolement. Bien sûr, il faut du temps pour trouver cette juste distance. Les aidants doivent garder leurs activités, leurs amis, dans la mesure du possible. Souvent, ils se l’interdisent car ils ont peur de laisser seul leur proche malade. C’est bien de pouvoir aller dans des groupes de paroles pour les patients mais aussi des espaces dédiés à la famille et aux malades, cela permet de trouver des ajustements dans les activités de chacun. Les proches sont souvent oubliés et en  souffrance, ils doivent s’autoriser à interpeller les équipes médicales qui les aideront à trouver des solutions. Progressivement, patients et familles parviendront à multiplier les moments hors  maladie, instants précieux qui permettront de reprendre le fil de la vie et se resocialiser.

 

Françoise, une malade assidue des groupes de paroles

C’est en juillet 2020 que le myélome multiple de Françoise a été diagnostiqué. Retraitée et mère de deux enfants, elle est très active. Quand son mari est tombé malade, il y a bientôt six ans, Françoise a participé à un groupe de paroles organisé par la Ligue Contre le Cancer avec des proches de malades atteints de cancer. Après son décès en 2017, elle a aussi rejoint un groupe de paroles de personnes ayant perdu un proche atteint de cancer. Après l’annonce de sa maladie, Françoise a découvert les groupes de paroles par le site de l’AF3M. Elle a participé à celui de Caen, organisé en virtuel.

 

« J’ai bien aimé qu’il y ait un binôme, la responsable régionale et une psychologue, pour animer le groupe. L’intérêt est de pouvoir discuter avec des personnes qui partagent les mêmes problèmes que vous. Quand on a cette maladie, on est un peu stigmatisée et on évite de trop en parler à ses proches. On ne peut pas parler de sa maladie à des personnes qui ne sont pas malades, même s’il y a une certaine compassion, ils ont leurs propres problèmes, on ne va pas les ennuyer avec les nôtres. Je ne voulais pas être une charge pour mes enfants qui ont leur vie, leurs enfants à gérer ».

 

Françoise a particulièrement apprécié l’approche psychologique des groupes de paroles. « On a une impression « brute » quand on est malade, la psychologue replace cette impression dans un cheminement de réflexion sur la maladie. Pouvoir parler sans retenue c’est appréciable. Il ne faut pas se contenter du médecin qui est là pour gérer la maladie et les traitements ».

 

Françoise a beaucoup d’activités, même si bien sûr la maladie et le Covid les ont un peu stoppées. « Je fais des lectures en crèche, du soutien scolaire. Je fais aussi partie d’une association où l’on intervient à la mission locale. Je vis seule, mais avec mes activités, je ne suis pas isolée. Il faut chercher des activités pour se sentir utile, c’est ma philosophie ! ».

Françoise a prévu de continuer à participer aux groupes de paroles, en présentiel, elle l’espère.

 

 

 

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