« Du recueillement à l’Espérance »
Dans un précèdent numéro du Bulletin (N° 45 de mars 2023) nous avions présenté ce lieu de recueillement (unique en Europe par sa configuration) à l’Institut Paoli Calmettes (IPC), centre de soins, de recherche et d’enseignement sur le cancer à Marseille. Ce dernier d’ailleurs figure en 4e position sur 400 hôpitaux pour le traitement des myélomes - lymphomes et est mis en lumière d’excellence dans le classement du World’ Best Hospitals 2025 au côté du Centre Léon Bérard et de Gustave Roussy. Le 30 novembre 2023, un atelier-débat interne regroupant soignants et patients face à des acteurs de confessions religieuses (christianisme, bouddhisme, islam et judaïsme) ainsi qu’un agnostique ont échangé sur le besoin de méditer, de penser, de prier face à l’angoisse de l’avenir et l’omniprésence du doute ! Le 12 avril 2024, la rencontre « Art, Santé, Sacré » de l’IPC, Aix-Marseille Université et Ville de Marseille a réuni de très nombreux participants qui ont pu écouter les différents intervenants, d’une part sur la place des spiritualités, confessionnelles ou non, dans les parcours de soins vécus, et d’autre part sur la contribution de l’art à l’interrogation spirituelle et au processus de soins. Un moment intense fait de questions, de réponses rationnelles mais dans un contexte émotionnel et culturel particulier dû aux patients et à leur singularité. L’année 2025 se place sous le signe du 100e anniversaire de l’IPC, concomitamment sous l’égide du ProfesseurMARANINCHI, l’artiste contemporain Michelangelo Pistoletto a travaillé sur une évolution de l’espace de recueillement qui s’intitule le 3e paradis. Les précédents étant en premier le paradis naturel, le second paradis ou paradis artificiel créé et ayant permis des merveilles mais ayant induit des dégradations de la nature, le troisième paradis dans lequel nature et artifice devaient trouver un équilibre, une harmonie ! C ’est l’objet de l’article ci-après.
Raymond BONNAVENTURE
Délégué Régional AF3M Provence
Symbole de tolérance et de respect face aux incertitudes des malades confrontés à la maladie, le lieu de recueillement de l’Institut Paoli Calmettes, est partagé depuis plus de 20 ans entre confessions religieuses et agnostiques. L’ambition du projet était de créer un environnement dont la beauté inviterait à la réflexion spirituelle au-delà de la stricte pratique de cultes religieux.
Michelangelo Pistoletto s’est engagé sur ce projet : ce maître de l’art contemporain accepta de dialoguer avec les soignants, d’écouter leurs désirs, de comprendre leurs contraintes. L’artiste a rapidement proposé que ce lieu invite à la rencontre. Rencontre autour d’un engagement éthique, celui de ne pas exclure, d’accepter comme une nécessité d’entendre toutes les formes de recueillement. La conception du lieu porte des valeurs symboliques de Marseille, une ville méditerranéenne cosmopolite : y cohabitent – et y collaborent aussi – de longue date les religions monothéistes, mais aussi des bouddhistes, des agnostiques. Le lieu a donc été conçu dans la volonté de respecter un espace « propre » à chaque confession religieuse et un pour les agnostiques. Les signes religieux sont disposés dans les quatre alcôves destinées aux différentes religions (hindouisme et bouddhisme, judaïsme, christianisme, islam). Dans une cinquième alcôve, l’espace de la connaissance, des livres sont mis à disposition. Des « claustras » en bois légers séparent les alcôves et permettent de « s’entrevoir ».
Le « mètre cube d’infini», véritable symbole de l’infini, est installé au centre du lieu, à la confluence de ces formes de spiritualités confrontées à la souffrance et l’incertitude. Le « mètre cube d’infini», véritable symbole de l’infini, est installé au centre du lieu, à la confluence de ces formes de spiritualités confrontées à la souffrance et l’incertitude.
Dans ce lieu, inauguré en 2000, des milliers d’hommes et femmes ont pu y ressentir des moments de paix et de sérénité, particulièrement cruciaux dans leur rencontre singulière avec les mystères de la vie et de la mort. Le lieu répond toujours aux besoins et valeurs qui l’ont inspiré : tolérance, recherche d’apaisement spirituel partagé entre les prières et méditations des cultes religieux. Depuis 20 ans, le site de l’hôpital a changé : 4 nouveaux bâtiments ont été créés. Les techniques et protocoles de soins sont de plus en plus efficaces. Les taux de guérison des patients sont beaucoup plus importants. L’espoir accompagne les nouveaux traitements. Un nouveau message peut être porté : intégrant Recueillement et Espérance.
La notion d’Espérance renvoie au Troisième Paradis, forme et concept que Michelangelo Pistoletto propose dans une vision de réconciliation entre nature et technologie, symbolisant une nouvelle harmonie universelle. Il répond au nouveau message de l’Institut en introduisant l’ouverture vers la guérison et l’espoir. Son illustration mettra « en relation » le recueillement symbolisé par l’infini des miroirs présents dans le mètre cube d’infini avec le symbole du 3e paradis ouvert entre deux symboles de l’infini. L’engagement dans l’espérance sera présenté de façon monumentale dans le Hall d’accueil de l’hôpital tandis que ce symbole sera décliné sous plusieurs formes dans le « chemin » qui mènera au Lieu de recueillement. Ce nouveau projet est en cours de lancement et sera financé par le mécénat et des subventions dédiées des collectivités territoriales. Il devrait être achevé en 2026. Nous pensons que de telles réalisations devraient avoir
leur place dans plus d’hôpitaux, lieux de soins de haute technicité mais qui doivent rester des lieux d’hospitalité où l’art et la spiritualité peuvent jouer un rôle crucial dans l’accompagnement de personnes souvent terrassées par le doute.
