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Bulletin 45 -

Santé, art et spiritualité : l’installation du « Mètre cube d’infini » de Michelangelo Pistoletto à l’Institut Paoli Calmettes de Marseille

Les séjours à l’hôpital sont des moments de questionnements intenses autour du devenir, de la vie et de la mort. Dans ces moments intenses, l’hôpital, lieu de soins et d’hospitalité, peut et devrait offrir aux patients et à leurs proches un ou des espaces de paix, de méditation où émotions et spiritualité peuvent s’exprimer de façon naturelle et intime.

Cette réflexion a guidé l’installation du « Mètre cube d’infini » du maître italien Michangelo Pistoletto à l’Institut Paoli Calmettes. Inauguré en 2000, ce lieu de rencontre entre santé et spiritualité, est un espace multiconfessionnel dédié à la méditation et à la prière. Présenté à travers des alcôves ouvertes et contiguës, l’espace accueille les patients de toutes les confessions, y compris les agnostiques, leur permettant de méditer face aux questions douloureuses soulevées par la rencontre avec la maladie dans un environnement radicalement nouveau, dont la beauté invite à une réflexion spirituelle au delà d’une pratique stricte des cultes religieux.

Quand la santé rencontre la spiritualité

Michangelo Pistoletto a rapidement proposé que ce lieu invite à la rencontre, « comme sur la place de l’église dans les villages du Sud ». Rencontre autour d’un engagement éthique, celui de ne pas exclure, comme une nécessité d’entendre toutes les formes de recueillement. Rencontre autour d’un engagement déontologique, celui d’intégrer, au-delà de la nécessaire information du patient, son besoin de réflexion dans un lieu de paix et de sérénité.

Un lieu pour toute confession centrée sur une œuvre artistique partagée

Nous sommes à Marseille, une ville méditerranéenne cosmopolite : y cohabitent – et y collaborent aussi – de longue date les trois religions monothéistes , mais aussi des bouddhistes, des agnostiques. Le lieu a donc conçu de respecter un espace « propre » à chaque confession religieuse et un pour les agnostiques (« le coin de Peppone »). Les signes religieux sont disposés dans les quatre alcôves destinées aux différentes religions (hindouisme et bouddhisme, judaïsme, christianisme, islam). Dans une cinquième alcôve, l’espace de la connaissance, des livres sont mis à disposition. Des « claustras » en bois légers séparent les alcôves et permettent de « s’entrevoir ».

Le « Mètre cube d’infini », véritable symbole de l’infini, est installé au centre du lieu, à la confluence de ces formes de spiritualités confrontées à la souffrance et l’incertitude.

Ce que nous dit le « Mètre cube d’infini »

Citons un extrait du catalogue Collection d’art contemporain - La collection du Centre Pompidou 2007

« Metrocubo d’infinito » appartient à la série des « Oggetti in meno » (« Objets en moins ») qui se déploie en 1965 et 1966. Caractérisée par une grande diversité formelle, elle se fonde sur la soustraction des objets au monde réel.

« À travers eux, je me libère de quelque chose – ce ne sont pas des constructions mais des libérations. Je ne les considère pas comme des objets en plus mais comme des objets en moins ». Ici, six miroirs rectangulaires, faces tournées vers l’intérieur, sont assemblés de façon à former un volume d’un mètre cube. Mise à l’abri des regards, la réflexion infinie induite par ce dispositif ne peut être envisagée que mentalement. Cette mise en abyme en appelle à la capacité d’abstraction de la pensée et à son pouvoir d’invention. Par ce dispositif d’une simplicité désarmante, Pistoletto matérialise l’idée d’infini et d’inaccessible. Cette « libération du miroir », qui ne renvoie aucune image de la réalité, en détourne la fonction même. Pistoletto restaure ainsi l’essence du phénomène spéculaire, qui est aujourd’hui banalisé par un usage quotidien. Ce faisant, l’artiste sollicite un effort de pensée qui ouvre la voie au spirituel [...]. »

Ce lieu inauguré en 2000 à l’Institut Paoli Calmettes continue de rassembler. Des centaines et milliers d’hommes et femmes y sont passés et ont pu ressentir les moments de paix et de sérénité, particulièrement cruciaux dans la rencontre avec les mystères de la vie et de la mort.