Dans la vie, je suis sapeur-pompier. Je mène une vie très sportive, je ne bois pas d’alcool, je ne fume pas. J’étais en pleine forme quand, en 2007, on m’a diagnostiqué un myélome. Pendant plusieurs années, j’ai fait l’objet d’une surveillance. Mais, en 2012, il a fallu engager des traitements. J’ai eu de nombreux examens, dix séances de radiothérapie, vingt-six de chimiothérapie et, au final, une auto-greffe.
Grâce à ces traitements, j’ai pu aller mieux. J’ai intégré le comité des patients de Paoli-Calmettes et c’est là que j’ai réalisé ce que coûtait la prise en charge du cancer. Pendant neuf mois, on m’a délivré un médicament pour un coût global estimé entre 28000 et 37000 euros.
Rien que pour une seule molécule. Si on ajoute tous les autres traitements et examens dont j’ai bénéficié, le coût a largement dépassé les 100000 euros. Et je n’ai rien déboursé, puisque tout a été pris en charge à 100 %.
Avec le recul, je mesure la chance d’avoir été malade dans un pays où, à l’hôpital, on vous demande de sortir votre carte Vitale et pas votre carte bleue. La Sécurité sociale est un acquis inestimable, dont on ne prend conscience que lorsqu’on est gravement malade.
Aujourd’hui, je suis inquiet face au risque que font peser les prix des médicaments du cancer: celui de ne plus pouvoir maintenir cette solidarité dont j’ai bénéficié à titre personnel. Depuis quelques années, on assiste à une inflation dangereuse, avec des molécules qui atteignent des sommes astronomiques: ainsi, un médicament, qui fait partie du traitement « standard » du myélome, a représenté pour la firme, en 2014 en France, un chiffre d’affaires de 140,7 millions d’euros. Un autre médicament, le Glivec, fait des miracles dans le traitement des leucémies myéloïdes chroniques. Mais pour un coût annuel, par patient, de 30000 euros. Je ne veux pas faire de mauvais procès aux laboratoires pharmaceutiques, qui développent des médicaments permettant de sauver des vies. En tant que sapeur-pompier, je mesure toute la valeur de chaque vie sauvée. Mais je voudrais plus de transparence dans le système, qu’on sache réellement ce que représente le coût de la recherche par rapport aux profits des actionnaires. Je pense que la voix des malades doit être entendue dans ce débat. Il est de notre responsabilité d’agir pour que cesse cette inflation incroyable des prix.
Car, sinon, demain, même dans un pays comme la France, les malades du cancer ne pourront plus être soignés comme ils le devraient.