Aidants

Bulletin 30 -

Aidants familiaux : quand la fatigue conduit à l’épuisement

Entretien avec Christophe Fauré, psychiatre et psychothérapeute. Auteur du livre « v »

Plus de 8 millions de français aident un proche. La majorité des aidants accompagne un proche malade depuis 4 ans en moyenne et lui consacrent environ 3 heures par jour. Dans ces conditions, de nombreux aidants familiaux ne parviennent pas à s’occuper de leur propre bien-être et s’exposent à des risques d’épuisement, voire de dépression. Une enquête réalisée auprès de 93 conjoints de patients  atteints d’un myélome multiple diagnostiqué depuis plus de 67 mois en moyenne, a montré que près de 49% d’entre eux présentaient des symptômes d’anxiété et 13,6% des symptômes dépressifs.

 

Quel est l’impact de la maladie sur l’aidant ?

L’aidant naturel, que ce soit le conjoint ou l’enfant, est le 1er sur le front. Il court le risque de s’épuiser dans l’accompagnement d’un proche atteint d’une longue maladie. Dans le cas du conjoint, il est difficile pour lui de prendre une distance du fait d’une durée de vie commune déjà conséquente. Il y a un double enjeu qui consiste à la fois d’aider la personne malade et une crainte sourde de la peur de la perte de l’être cher. L’aidant considère que c’est son rôle, son destin de se vouer corps et âme à son proche malade. Le danger est de vouloir tout faire, tout prendre en charge pendant toute la durée de la maladie et de finir par s’épuiser. L’aidant ressent par ailleurs une impuissance dans l’accompagne- ment de la maladie, notamment lorsque le proche souffre. C’est extrêmement éprouvant et épuisant émotionnelle- ment. La douleur provoque un profond désarroi chez le malade et chez le proche. La situation peut devenir insupportable à tel point que l’aidant n’arrive plus à gérer la situation et met de la distance. Cette attitude provoque en lui un sentiment de culpabilité, celui de baisser les bras.

Enfin, l’aidant peut éprouver un sentiment d’injustice. Par exemple lorsque la maladie arrive au moment de la retraite, il peut y avoir une colère de fond, la maladie empêchant de pouvoir profiter de cette retraite. Tous ces sentiments cumulés peuvent conduire à un état dépressif et contribuent à l’épuisement physique et psychique, émotionnel de l’aidant.

 

Comment l’aidant peut-il se préserver pour ne pas arriver à une situation d’épuisement ?

Il faut apprendre à grossir le réseau de soutien, demander de l’aide et ne pas attendre d’être épuisé. L’aidant se sent obligé d’être à la hauteur de la situation et estime qu’il doit se montrer fort et fiable. Demander de l’aide peut être vécu par l’aidant comme un aveu de faiblesse de ne pas être à la hauteur. Le conjoint perd sa casquette de conjoint et prend celle de soignant. Il culpabilise et ne prend pas soin de lui, ne s’accorde pas de moment de répit. Pourtant, il doit rester la personne par laquelle arrive le plaisir, les loisirs, etc. Il ne faut pas hésiter à faire appel à l’équipe soignante ou à demander un accompagnement psychologique. Un thérapeute peut aider le proche aidant à traverser cette situation difficile, en apprenant à gérer le stress lié à la mission d’aidant familial. C’est toutefois plus compliqué pour un homme qui peut vivre la demande d’un soutien psychologique comme un aveu de faiblesse, qu’il taira, même s’il se sent dépassé dans son for intérieur. Les jeunes générations sont plus enclines à solliciter une aide psychologique, c’est culturel. Il ne faut pas vouloir  porter ce fardeau seul. A minima, l’aidant doit demander l’aide de l’entourage. Il faut avoir le courage d’en parler. Les enfants, par exemple, peuvent inciter leur parent aidant à sortir. Très souvent, il faut qu’il y ait une pression extérieure du personnel soignant qui donne l’autorisation à l’aidant de prendre soin de lui, car il ne s’y autorise pas lui-même. Il arrive que la personne malade se sente coupable d’imposer à ses proches un tel poids, un tel changement de vie, elle va minimiser sa souffrance pour ne pas déranger. La culpabilité la conduit à se taire, elle essaie de préserver ses proches. Le médecin ou tout autre professionnel de santé peut faire la médiation pour faire circuler la parole.

À LIRE

Dr Christophe FAURE, Vivre ensemble la maladie d’un proche. Aider l’autre et s’aider soi-même,
Paris, Albin Michel, 2002. 265 pages.

 

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