La maladie provoque d’importants changements au sein du couple et de la famille
L’annonce du diagnostic bouleverse profondément la vie des patients et de leurs proches. « Beaucoup d’éléments viennent freiner la dynamique familiale dans les projets et dans les habitudes. La maladie vient repositionner le rôle de chacun qui lui était propre au sein du couple, de la famille. Elle peut même faire bouger les places, par exemple une mère qui avait l’habitude de tout gérer au quotidien au sein de la famille et qui doit laisser ce rôle au conjoint ».
« La chronicité de la maladie va impacter tout le système de vie, aussi bien pour le malade que pour son entourage, le couple, la famille et cela s’étend à toute la dimension relationnelle, quelle qu’elle soit. Les premiers impacts sont liés aussi à cette plongée dans l’univers de la maladie, des soins, des contraintes, sur lesquels le malade a peu de marges de manœuvre ».
L’entourage, la famille : un soutien précieux
La gestion des soins et des émotions est souvent une épreuve solitaire pour le patient, mais le soutien de la famille peut aider à intégrer les soins dans la vie quotidienne, permettant ainsi de maintenir une certaine normalité. Il est important de maintenir des habitudes et de trouver des moyens pour que les soins n’envahissent pas complètement la vie des patients et de leurs proches. « L’organisation au sein du couple, de la famille, va permettre d’articuler les temps de soins et les temps de vie pour faire en sorte que les soins rentrent dans le quotidien et non pas que la vie s’assujettisse complètement aux soins. Les temps d’autogreffe impactent aussi la famille avec des hospitalisations qui peuvent durer plusieurs semaines et où la famille continue à tenir son rôle tandis que le patient ne trouve plus sa place, il a le sentiment que la famille peut continuer sans lui et cela peut remettre en doute son utilité au sein du cercle familial. »
Gérer les décalages de rythme et rechercher un équilibre
Des décalages peuvent apparaître, particulièrement chez les jeunes aidants dont le rythme de vie diffère de celui de leurs proches. « Les aidants qui travaillent ne peuvent pas intégrer certaines contraintes, tels les soins, les rendez-vous médicaux dans leur quotidien, leur rythme est différent de celui de leur proche malade ».
Pour gérer ces décalages de rythme de vie, Laetitia Martin préconise de partir du quotidien et d’introduire des changements progressifs et accessibles. « Il faut maintenir de l’ordinaire. Suggérer des petits changements plus accessibles pour chacun et plus appropriés afin de ne pas dénaturer les relations et les comportements ». Inclure les projets de vie, comme des voyages ou des événements familiaux, dans les plannings de soins permet de préserver un sentiment de normalité et de continuité.
« Nous essayons de les intégrer dans le planning de soins, même si souvent la marge de manœuvre est étroite. Nous devons toutefois étudier la situation singulière de chaque patient, pour pouvoir adapter et personnaliser son suivi ».
Un rôle difficile pour les aidants
Les aidants jouent un rôle crucial mais sont rarement préparés à cette situation. « Il y a quelque chose de sacré dans ce que vit le malade, c’est un "intouchable", mais l’aidant est en droit de dire qu’il ne se sait pas comment faire, il n’est pas préparé à affronter la maladie de son proche ».
Les aidants doivent gérer leurs propres défi s tout en accompagnant le malade, ce qui peut être source de stress et de ressentiment. « Nous, professionnels de santé, ne prenons pas toujours bien en considération les besoins et les attentes des aidants, on ne s’enquiert pas toujours de savoir comment ils vivent les choses ». Leur attitude peut parfois engendrer des maladresses. « Ils se montrent parfois surprotecteurs, mettant leur proche dans une bulle, c’est à double tranchant, c’est un signe de bienveillance, mais cela peut être infantilisant ».
Impuissants face à la maladie de leur proche, ils essaient de se rendre utiles. « Ne pouvant pas soigner leur proche malade, ils vont aller sur des terrains qu’ils peuvent s’approprier, le domestique, l’alimentation, estimant que c’est la bonne démarche, sans penser que cela peut être délétère. Pour le malade, continuer à accomplir certaines tâches lui permet d’évaluer ses capacités et d’en tirer des satisfactions. Il ne faut pas le déposséder de cela ».
Maintenir une communication ouverte est essentielle
Communiquer avant tout. « Il est préférable de soutenir la parole de l’autre plutôt que de parler à sa place. Il faut continuer à se dire ce qui ne va pas, à se comporter tel que l’on a l’habitude d’être et s’enrichir ou se délester de ce qui ne représente pas une priorité ».
Accepter les différences et apprendre ensemble avec ses propres possibilités et ses propres limites. « Il faut admettre que la part de l’autre soit différente de celle de soi. Il faut essayer de ne pas mettre l’autre en défaut, mais plutôt exprimer ses besoins, ce sera plus entendu que des reproches, que ce soit au sein du couple mais aussi sur des relations plus larges. »
Le soutien psychologique peut venir en aide aux malades et à leurs proches. « Tout le monde n’est pas ouvert à une démarche de soutien psychologique, mais l’entourage, les équipes de soignants, les associations, le fait de parler va permettre de trouver des solutions et ne pas avoir le sentiment de traverser cette épreuve seul ».
Pour en savoir plus
Un premier soutien psychologique est souvent proposé à l’hôpital ou à la clinique, lorsque des psycho-oncologues y sont présents. Des Centres Médico-Psychologiques (CMP) proches du domicile du patient proposent des consultations gratuites de psychologues et de psychiatres. Ces centres sont directement financés par l’assurance maladie.
Pour les aidants : https://www.ligue-cancer.net/sites/default/files/brochures/accompagnement-proche-cancer-2021-10-.pdf