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Bulletin 35 -

CAR T cells : une nouvelle arme pour le traitement du myélome multiple

Une nouvelle stratégie d’immunothérapie a été récemment développée pour combattre les cellules tumorales du MM1 (les plasmocytes).

Une nouvelle stratégie

Une nouvelle stratégie d’immunothérapie a été récemment développée pour combattre les cellules tumorales du MM (les plasmocytes) . Le principe est de
faire appel aux lymphocytes T du malade, déjà impliqués dans la défense de l’organisme contre les infections et les tumeurs. L’idée est que l’action de ces lymphocytes été dépassée par les cellules tumorales, ce qui a permis le développement et/ou le réveil du MM. Pour renforcer cette action et rediriger les lymphocytes T du patient, le principe est de les équiper d’un récepteur de surface qui va permettre à la fois de reconnaître spécifiquement et de tuer les plasmocytes. Ce récepteur appelé « chimérique » (Chimeric Antigen Receptor), placé à la surface du lymphocyte T est formé d’une partie extracellulaire permettant de reconnaître un antigène de surface du plasmocyte (par exemple la protéine BCMA), et d’une partie intracellulaire permettant de déclencher la machinerie nécessaire à la destruction de la cellule cible (partie de la protéine CD3 du récepteur T et molécule de costimulation de type 4-1BB).

 

Une mise en oeuvre complexe

En pratique la fabrication de ces lymphocytes T est complexe et nécessite la mise en place d’un circuit impliquant plusieurs équipes. D’abord les lymphocytes T du malade doivent être prélevés par « lymphaphérèse » de façon similaire à la cytaphérèse lorsque l’on prélève les cellules souches hématopoïétiques avant une autogreffe. Les lymphocytes T sont alors acheminés vers le centre de thérapie cellulaire et le plus souvent congelés, puis exportés vers les centres de production des laboratoires pharmaceutiques, le plus souvent aux Etats Unis. Les lymphocytes T sont amplifiés et préparés avec un virus « inoffensif » permettant de faire rentrer le récepteur « chimérique » dans ces cellules T. Le produit obtenu est alors placé dans une poche et congelé puis réacheminé sous forme de médicament vers le centre de thérapie cellulaire initial où il est réceptionné par les pharmaciens et le centre de thérapie cellulaire, puis redistribué au malade sous forme de perfusion dans le service qui le prend en charge, après une chimiothérapie permettant d’éliminer les lymphocytes T résiduels (lympho-déplétion).

 

Des résultats très prometteurs

Ce type d’immunothérapie a déjà été utilisé dans le traitement de certaines leucémies aigues et de lymphome B avec des résultats très impressionnants amenant des remissions profondes et prolongées qui ont conduit à une autorisation de mise sur le marché de deux types de récepteurs. Dans le MM, l’utilisation es CAR T cells, ciblés sur l’antigène BCMA, est beaucoup plus récente et ce traitement est pour le moment en cours d’évaluation dans des études cliniques. Les premiers résultats de ces études sont très impressionnants. Une première étude menée sur 43 malades ayant une maladie très avancée, ayant déjà reçu en moyenne 8 lignes de traitement dont le daratumumab, montre un taux de réponse de 95,5 % dont 50 % de rémission complète avec 16/16 cas en maladie résiduelle (MRD) négative. La médiane survie sans progression est de 11,8 mois et même 17,7 mois chez les malades en rémission profonde (MRD négative).

Une deuxième étude utilisant une autre construction toujours dirigée contre le BCMA, portantur 57 malades moins lourdement traités (en moyenne ayant reçu 3 lignes de traitement) montre un taux de réponse à 88 % avec une rémission complète dans 74 % des cas, la plupart avec MRD négative. La médiane de survie sans progression est de 15 mois, et même de 24 mois chez les malades en MRD négative.

 

Des effets indésirables sous contrôle

Ce traitement n’est pas dénué d’effets indésirables. La tolérance de ce traitement, semble meilleure que dans les leucémies aigues et les lymphomes mais nécessite une surveillance très étroite notamment dans les 15 premiers jours après administration. La plupart des réactions sont liées à un syndrome de « relargage cytokinique » lié la libération aigue et massive des médiateurs de l’activation des lymphocytes T (Cytokines) avec fièvre et hypotension qui peuvent nécessiter une prise en charge transitoire en milieu de réanimation. Cette réaction est observée dans 90% des cas mais est le plus souvent modérée avec des critères de sévérité dans environ 5 à 10% des cas. Ces réactions peuvent être aussi compliquées par l’apparition de syndrome de lyse tumorale. Des réactions neurologiques centrales rendent également nécessaire la proximité d’un centre d’imagerie de type IRM.

 

Les essais thérapeutiques

Sur la base de ces résultats très encourageants, ces CAR T cells anti-BCMA vont être évalués d’une part en phase III comparés à triplet de chimiothérapie chez les malades en rechute ayant reçu entre 2 et 4 lignes de traitement, et d’autre part de façon plus précoce, en phase II, chez les malades non répondeurs la première ligne ou en première rechute et chez les patients présentant des anomalies cytogénétiques de haut risque. En France, compte tenu des contraintes liées au circuit du traitement, mais aussi des résultats encore préliminaires, la  phase III évaluant les CAR T cells anti-BCMA contre chimiothérapie n’ouvrira qu’à la fin du premier trimestre 2019 et sera limitée à quelques centres. Pour les autres études de phase II, les centres français, sauf exception, ne  seront ouverts au plus tôt qu’en septembre 2019.

 

En conclusion ou vers un réel espoir

Cette stratégie très prometteuse n’en n’est qu’à ses débuts. Son développement nécessite de nombreux partenaires limitant pour le moment sa faisabilité et son accessibilité. À l’avenir, avec des améliorations technologiques et une administration plus précoce dans l’histoire de la maladie, cette stratégie pourrait laisser entrevoir la possibilité d’une guérison. Actuellement, l’utilisation des CAR T cells anti-BCMA doit être encore évaluée , parallèlement aux autres stratégies d’immunothérapie anti-BCMA comme les anticorps monoclonaux directement conjugués à la chimiothérapie et/ou les anticorps bispécifiques anti-CD3/anti-BCMA, également en cours d’étude.