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Bulletin 31 -

Épigénétique

La génétique est l’étude de l’hérédité et des gènes qui sont codés dans l’ADN. L’épigénétique est celle des modifications chimiques et des mécanismes moléculaires réversibles qui contrôlent l’expression génique.

Les gènes dans tous leurs états

Toutes les cellules d’un individu possèdent la même information génétique codée dans environ 25 000 gènes présents sur les brins d’ADN (acide désoxyribonucléique) qui forment les chromosomes. L’acquisition par chaque type cellulaire des fonctions qui lui sont propres (foie, cœur, moelle osseuse etc.) dépend de quels gènes sont actifs (ou exprimés), et quels autres sont inactifs (ou réprimés). L’état d’activation ou d’inactivation d’un gène est d’abord soumis à l’action combinée de protéines, présentes dans les cellules de l’organe concerné, qui reconnaissent très spécifiquement des séquences d’ADN proches des régions codantes du gène pour s’y fixer puis activer ou bloquer son expression.

 

Les gènes en bobine

Notre ADN représente une longueur totale de 2 mètres. Pour tenir dans le noyau d’une cellule, d’un diamètre 20 000 fois plus petit, l’ADN s’enroule régulièrement autour de protéines, nommées histones. Des bobines constituées d’ADN et de 8 histones, nommées nucléosomes, se pelotent ensuite sur elles-mêmes et forment des structures plus ou moins « serrées » : les fibres de chromatine. Ceci n’est pas anodin, car on sait désormais que la densité en nucléosomes de la chromatine (les biologistes parlent alors dans leur jargon de chromatine plus ou moins compactée ou condensée), contribue à réguler l’expression génique.

 

Les « marques épigénétiques »

Des modifications chimiques de l’ADN méthylation 1) et des histones (méthylation, acétylation 2) affectent l’état de condensation de la chromatine, jouant ainsi un rôle très important dans l’expression des gènes. La liaison chimique de groupements méthyles sur l’ADN et des histones peut induire un compactage de la chromatine, qui devient moins compacte lorsque l’ADN est peu méthylé et les histones acétylées. Dans les régions denses de la chromatine, les gènes ne peuvent  pas s’exprimer alors que cela est favorisé dans les régions moins denses, puisque les séquences d’ADN qui sont reconnues par les protéines régulatrices de l’expression génique (évoquées plus haut) sont plus  accessibles.

 

Epigénome
Ces modifications, dites « marques épigénétiques », sont réversibles car elles ne modifient pas la séquence de l’ADN à la différence des mutations. Alors que le génome est l’ensemble des gènes propre à un individu, l’ensemble des marques constitue l’épigénome qui est propre à chaque type cellulaire ou à leur état. Plus largement des mécanismes épigénétiques essentiels existent, comme ceux qui mettent sous silence l’un des deux chromosomes X chez la femme. L’épigénome expliquerait pourquoi des facteurs environnementaux, comme le tabac, l’alcool ou la nutrition, induisent des changements sur l’expression de nos gènes sans modifier notre ADN. Ces mécanismes dus à l’action d’enzymes sont  encore mal connus. Ils peuvent conduire aux différences observées entre vrais jumeaux mais aussi également contribuer aux pathologies. La transmission intergénérationnelle chez l’Homme reste cependant un sujet de controverse.

 

Les épimédicaments
À l’instar de la génétique depuis lusieurs décennies, l’épigénétique est devenue récemment un thème majeur en cancérologie. Les marques épigénétiques qui peuvent activer ou réprimer des oncogènes (gènes inducteurs de la cancérogenèse) et des gènes suppresseurs de tumeur offrent de nouvelles cibles pour le traitement des cancers. Parmi les médicaments épigénétiques potentiels, 7 ont été autorisés en hémato-oncologie.
Début 2016, le panobinostat, un inhibiteur d’histones désacétylases, enzymes qui maintiennent dans un état « silencieux » des gènes suppresseurs de tumeur notamment, a obtenu l’AMM en trithérapie avec le bortezomib et la dexaméthasone, dans le traitement de malades du myélome multiple en rechute et/ou réfractaires (HAS CT-14710 fi che consultable sur internet, site de la Haute Autorité de Santé). L’ajout de panobinostat à des cellules tumorales cultivées en laboratoire induit en effet l’accumulation des histones acétylées et d’autres protéines et un  arrêt de la prolifération cellulaire.