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Bulletin 33 -

Exploiter les données numériques en santé

Les données collectées dans le domaine de la santé sont devenues incontournables au développement des connaissances, et même à l’amélioration spectaculaire de pratiques médicales dans plusieurs pays. Qu’en est-il en France?

Big data
Le concept big data, popularisé dès 2012, a émergé de la collecte systématique et massive (big) de données numériques (data) et d’une croissance rapide des technologies pour les analyser. Ces données ont très rapide- ment présenté de forts enjeux commerciaux et marketing. Le propos de cet article est de montrer que dans le domaine de la santé aussi, les données patients sont une exceptionnelle mine d’informations pour accélérer les trans- formations des systèmes de soins.

 

Les données patients en France

Dans la pratique médicale, la collecte et l’interprétation des données provenant des patients, recueillies et traitées par les médecins, ont toujours été centrales pour établir un diagnostic, envisager un pronostic, décider du meilleur traitement et en évaluer les effets, notamment en recherche clinique. Désormais apparaissent des données produites par les patients eux-mêmes et captées par de nouveaux acteurs, qui viennent notamment des objets connectés, des médias sociaux, ou des différentes formes de dossiers médicaux électroniques. Elles représentent un énorme potentiel pour enrichir les connaissances sur tous les points évoqués plus haut et pour mieux caractériser les maladies. À l’instar du Royaume-Uni, des pays nordiques et des États-Unis (USA), qui ont été les pionniers dans la collecte et l’exploitation des données, il a fallu identifier en France les données d’intérêt dans le domaine médical et en regrouper.

Ainsi, le Système National des Données de Santé (SNDS) regroupe depuis 2017 les principales bases de données de santé publiques existantes, à savoir celles :

  • de la Caisse Nationale d’Assurance maladie, qui détient toutes les informations liées aux remboursements des soins et des médicaments ;
  • de l’Agence Technique de l’Information sur l’Hospitalisation (public/privé) ;
  • et du Centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès.

D’autres données sont recueillies soit au niveau régional (gérées par les Observatoires régionaux de Santé), soit au niveau local, les établissements de santé ayant réuni des données disparates pour constituer des « Entrepôts de Données de Santé ».

Le patient est aussi lui-même un générateur de données, dites « données de vraie vie », en répondant aux questions qui lui sont posées au cours de son parcours de soins. Un exemple de ce type de base de données est le projet ESMÉ dans le cancer du sein métastatique, lancé à Villejuif en 2014, qui est à ce jour (avec 17000 cas répertoriés en 2016 sur les 30 000 visés d’ici 2019) la plus importante source européenne d’information sur cette pathologie.

 

Un défi : exploiter ces données pour transformer le système de soins

Les premières initiatives d’exploitations des données de santé sont très positives. Ainsi aux USA, l’assurance santé publique nationale pour les plus de 65 ans (Medicare) a regroupé l’ensemble des acteurs de soins (médecins de ville, hôpitaux, etc.), collectivement responsa- bles de la dépense et de la qualité des soins dans l’objectif d’améliorer la coordination de ceux-ci et leur efficience. Une économie d’un milliard de dollars a été réalisée au cours des 3 premières années, avec une amélioration de la qualité sur plus de 80 % des indicateurs suivis.En France l’enjeu est de rendre exploitable les données de santé et de développer des algorithmes (méthodes de calcul informatique) efficaces pour en extraire chaque type d’information. En partenariat avec les pouvoirs publics et autres instances qui génèrent les données de santé, de nombreux acteurs se consacrent actuellement à cette tâche. Ce sont non seulement des chercheurs appartenant aux Instituts publics de recherches, mais aussi des dizaines de start-up créées par des équipes constituées d’ingénieurs, médecins, pharmaciens ex-industriels, économistes, etc. Les thématiques de ces jeunes entreprises sont aussi différentes que le développement de l’aide au diagnostic par des machines (Intelligence Artificielle) ou la génération de solutions d’accompagnement des patients atteints de maladies graves ou chroniques. Ces start-up peuvent bénéficier de structures d’aide au développe- ment et de leur réseau telles que l’Association des Laboratoires Internationaux de Recherche (Lir).

À l’initiative du Lir, un premier débat international remarquable entre une trentaine de spécialistes sur ces sujets a eu lieu le 23 mars 2018, avec la contribution de la Banque publique d’Investissement, d’acteurs privés du domaine de la santé et des think tanks (groupes de réflexions) du numérique. Evidemment de nombreuses questions débattues ne peuvent trouver leur place dans cette rubrique, mais demeurent essentielles, tels les enjeux éthiques liés à la protection des données individuelles.