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Bulletin 46 -

La Maladie Résiduelle biologique (MRD - Minimal Residual Disease)

Le traitement du myélome multiple a considérablement évolué, depuis les années 2000, avec l’introduction de plusieurs classes de nouveaux médicaments qui ont amélioré le taux et la profondeur des réponses thérapeutiques, cependant les rechutes restent fréquentes. La maladie résiduelle (MRD) permet, sur le plan théorique, d’avoir en un seul test une vision globale de la réponse au traitement. Entretien avec le Professeur Aurore Perrot.

La réponse au traitement repose en premier lieu sur le suivi du composant monoclonal (sérique ou urinaire) ; l’amélioration de la qualité de la réponse a rendu néces- saire le développement de techniques plus fines d’évaluation de la réponse. En 2016, l’International Myeloma Working Group (IMWG) a complété les critères de réponse avec la Maladie Résiduelle biologique (MRD Minimal Residual Disease) : la détection de cellules malignes résiduelles au sein de nombreuses cellules normales, par des techniques différentes avec des niveaux de sensibilité dfférents. La MRD est dite indétectable ou négative en l’absence de plasmocyte tumoral dans 100 000 cellules (< 10e-5) ou 1 000 000 cellules de moelle osseuse (< 10e-6).

 

Peut-on avoir une analyse de la MRD partout ?
Il existe actuellement deux méthodes d’analyses de la MRD :
La MRD par NGS (NGS next-generation sequencing) : une approche moléculaire par séquençage haut débit basée sur les mécanismes des réarrangements des gènes des protéines Ig (Immunoglobuline).

La MRD par NGF (CMF ou NGF next-generation flow) : une approche cellulaire par cytométrie en flux, basée sur les caractéristiques des récepteurs à la surface des plasmocytes (expression de certains antigènes de surface).

La disponibilité des deux méthodes, leurs sensibilités (10e-5 ou 10e-6), leurs délais techniques et leurs coûts diffèrent. L’analyse de la MRD n’est pas encore recommandée en routine (pour des questions d’harmonisation, de reproductibilité et par manque de données pour l’instant sur l’utilité pour adapter le traitement). De plus, l’utilisation de prélèvements de moelle répétés dans le temps est encore à préciser. Les techniques NGS et NGF étant différentes, il faut préférer la même technique pour comparer l’évolution pour un même patient.

Si la MRD peut être utilisée comme marqueur pronostique et outil de stratification, il est donc aujourd’hui encore trop tôt pour l’utiliser en routine comme outil d’adaptation thérapeutique, en pratique clinique.

Avec une MRD négative peut-on parler de guérison ?
Avec les stratégies d’intensification thérapeutique, 60 à 70 % des patients éligibles sont en réponse complète (selon les critères IMWG) ; mais cela ne signifie pas forcément MRD négative et encore moins guérison. La guérison pourrait se définir par une persistance à très long terme d’une MRD négative.

L’essai clinique IFM2009/DFCI a évalué la MRD en CMF et NGS : cette étude a montré que le suivi de la MRD par NGS (technique ayant la sensibilité la plus importante) permet de prédire la survie sans progression*. Cependant, les anomalies cytogénétiques ont un poids pronostique et doivent être systématiquement recherchées également. Le pouvoir prédictif de la maladie résiduelle est probablement différent chez les patients ayant un myélome de haut risque cytogénétique.


Avec ce critère de MRD, pourra-t-on raccourcir les délais décisionnels dans les essais cliniques ?
Dans le myélome multiple, la profondeur de la réponse est corrélée avec la survie ; effectivement l’industrie pharmaceutique et les agences de santé examinent la MRD comme critère de substitution dans les essais cliniques, dans l’idée de raccourcir les délais d’évaluation des nouveaux médicaments, mais cette question reste complexe car la valeur prédictive de la MRD peut varier selon le moment où cette MRD est évaluée et également selon la cinétique de variation de la MRD. La notion de MRD persistante ou soutenue (sustained MRD) devient de plus en plus importante à considérer.

 

Avec une MRD négative, pourrais-je arrêter mon traitement ?
Dans l’essai IFM 2009, les patients MRD négatifs (MRD-) après un an de maintenance avaient une bonne évolution. Cependant, il persiste de nombreuses questions, d’autant que la durée du traitement de maintenance recommandée est aujourd’hui de trois ans. Pourrait-on alléger la consolidation chez les patients obtenant rapidement une MRD négative ? (C’est une des questions posées par l’essai MIDAS en cours actuellement). Doit-on renforcer le traitement de maintenance si la MRD reste positive ? Pourrait-on arrêter plus tôt le traitement de maintenance si la MRD était négative à un an de maintenance ?

L’essai MIDAS proposé par l’IFM depuis 12/2021, évalue une stratégie de traitement adaptée en fonction de la MRD pour les malades nouvellement diagnostiqués NDMM (Newly Diagnosed Multiple Myeloma) éligibles à une autogre e. Tous les patients reçoivent un traitement d’induction de KRD-Isatuximab (Isa-KRD de 6 cycles) ; puis, les phases de consolidation et d’entretien seront adaptées selon leurs risques et le résultat de la MRD. Le classement sera réalisé au diagnostic selon leur cytogénétique.


En conclusion

Si les patients ayant une MRD indétectable ont une meilleure évolution que ceux qui gardent une MRD positive, le risque de rechute, même à moyen ou long terme, peut persister et le suivi doit se poursuivre après l’arrêt du traitement. On comprend l’image de l’iceberg et la notion de profondeur de la réponse!

La communauté du Myélome multiple doit encore répondre à de nombreuses questions pour confirmer le rôle de la MRD comme cible clinique et critère d’évaluation pertinent : pourquoi ces patients ont-ils progressé ? L’échantillon de moelle osseuse était-il insufsant ? Y avait-il une maladie extra médullaire ? À quelle fréquence doit-on contrôler la MRD ? Jusqu’où faut-il pousser la limite de détection (10e-6 ou 10e-7) ? Au-delà des cellules tumorales, quel est le rôle du système immunitaire dans la persistance ou non de la réponse ?

 

Références :

  • Méthodes d’évaluation de la maladie résiduelle dans le myélome multiple – fév 2020. Dr Caroline Mayeur-Rousse, CHU de Strasbourg
  • Myélome Multiple : des critères diagnostiques et pronostiques renouvelés et de forts espoirs thérapeutiques, Salomon Manier et coll. La Presse Médicale, Volume 48, Issues 7–8, Part 1, July–August 2019, Pages 825-831
  • Biologie du myélome, Jill Corre. Dossier Horizons Hémato // Janvier / Février / Mars 2016 // Volume 06 // Numéro 01
  • https://horizonshemato.com/wp-content/uploads/2017/10/Horizons-Hemato-Mars-2016-18-19-Corre.pdf
  • Minimal residual disease negativity using deep sequencing is a major prognostic factor in multiple myeloma, Aurore Perrot and al.
  • Blood Volume 132, Issue 23, 6 December 2018, Pages 2456-2464
  • Étude IFM2020-02 / MIDAS, Stratégie de traitement adaptée en fonction de la maladie résiduelle

 

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