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Bulletin 38 -

Le microbiote intestinal : son rôle en hématologie et dans le myélome

Le microbiote correspond à l’ensemble des micro-organismes qui colonisent notre corps et avec lesquels nous cohabitons. Dans l’organisme, il existe différents microbiotes, au niveau de la peau, de la bouche, des poumons, etc. Le microbiote intestinal (ou flore intestinale) est le plus important d’entre eux.

Le microbiote

Le tube digestif humain héberge environ 100,000 milliards de bactéries. Trois grandes catégories, les Bacteroidetes, Firmicutes et Actinobacteria, représentent plus de 90 % de l’ensemble de ces bactéries et dominent le microbiote intestinal des sujets en bonne santé. Cependant, la composition de ce microbiote est très diversifiée et variable au niveau des sous-catégories (genre et espèce de bactéries) entre les individus. En effet, le développement du séquençage de nouvelle génération a mis en évidence que le microbiote intestinal abrite entre 1 000 et 1 150 espèces bactériennes différentes au sein de la population, chaque individu hébergeant au moins 160 espèces.

 

Fonctions du microbiote

Les communautés microbiennes ont co-évolué avec leur hôte, l’espèce humaine, conduisant à une relation symbiotique entre les deux, c’est-à-dire impliquant leur association étroite. Chez les sujets en bonne santé, cette relation symbiotique étroite est très bénéfique pour les deux parties. En effet, le microbiote intestinal exerce des fonctions essentielles dans la digestion, la protection contre la colonisation par des agents pathogènes, la stimulation du système immunitaire et la protection de la paroi digestive. De plus, le microbiote digestif peut envoyer des signaux à l’organisme pouvant affecter tous les organes. Par conséquent, l’équilibre des micro-organismes sains présents dans le microbiote intestinal est indispensable au maintien en bonne santé.

La perte de cet équilibre, appelée dysbiose, altère cette symbiose entre l’hôte et le microbiote et favorise des situations pathologiques, avec notamment des réactions immunitaires locales non contrôlées puis une inflammation de l’ensemble de l’organisme. La dysbiose peut être accentuée par certains soins médicaux, tels que les opérations chirurgicales ou les traitements par chimiothérapies et antibiotiques à large spectre, qui modifient de façon considérable la composition du microbiote. Ce changement constaté dans la composition du microbiote intestinal se caractérise par une diminution de la diversité microbienne globale avec notamment une perte des bactéries bénéfiques contribuant aux défenses de l’hôte, et une prolifération d’autres espèces bactériennes, notamment certains agents pathogènes ou des bactéries multirésistantes aux antibiotiques.

 

Microbiote et santé

Le rôle du microbiote a été mis en évidence dans des pathologies très diverses, telles que le diabète, l’obésité, l’allergie, les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, les cancers digestifs (colon, foie…) ou encore dans la réponse à l’immunothérapie anti- tumorale (Cf. Figure). Plus spécifiquement en hématologie, de nombreuses études ont mis en évidence l’importance du microbiote sur le devenir des patients après allogreffe de cellules souches hématopoïétiques. Ainsi la perte de diversité et le changement de composition du microbiote ont été associés à une diminution de la survie des patients, liée à notamment une augmentation du risque de réaction du greffon contre l’hôte, mais également à une augmentation du risque de rechute de l’hémopathie (maladie sanguine) sous-jacente.

 

Microbiote et myélome

Plus récemment des études ont commencé à mettre en évidence un rôle du microbiote chez les patients atteints de myélome. Une étude réalisée dans un modèle de myélome chez la souris a montré que le microbiote pouvait activer des cellules immunitaires inflammatoires et favoriser la progression du myélome. Chez l’homme, la composition du microbiote a été analysée pour un premier groupe de patients recevant une auto-greffe de cellules souches hématopoïétiques avec melphalan à haute dose. Il existait une corrélation entre la perte de la diversité microbienne 7 jours après l’autogreffe et la sévérité des diarrhées. Cependant, il n’était pas possible de savoir si cette perte de diversité microbienne était la cause ou la conséquence de ces diarrhées.

Dans un autre groupe de patients, la composition du microbiote a été corrélée cette fois avec la profondeur (=efficacité) de la réponse et en particulier avec la maladie résiduelle en première ligne de traitement. Il n’y avait pas de différence de diversité du microbiote selon le statut de la maladie résiduelle, en revanche un lien était suggéré entre certaines bactéries et l’obtention d’une maladie résiduelle négative. Cependant ces résultats restent très préliminaires avec un mécanisme d’action à élucider et une confirmation sur un nombre plus important de patients est nécessaire. Ces données préliminaires suggèrent un rôle important du microbiote dans l’histoire du myélome et sa réponse au traitement. Ces résultats restent cependant à confirmer sur des groupes plus importants de patients. Cela pourrait alors ouvrir la voie à des stratégies de modulation du microbiote lors du traitement du myélome, via l’utilisation de transplantation de microbiote fécal telle que développée actuellement dans d’autres indications.

 

La maladie résiduelle

La maladie résiduelle (mesurée après traitement pour les malades en essais thérapeutiques) est négative lorsque l’on détecte moins de 1 cellule tumorale parmi 1 million de cellules dans un prélèvement de moelle osseuse du patient. Un nombre supérieur de cellules tumorales indique une maladie résiduelle positive.