Parcours de soins

Bulletin 47 -

Partie 1 : le rapport soignant / soigné : un élément-clé du parcours de soins

”Entrée en hématologie” en juillet 2016, j’ai découvert un monde étrange, peuplé de mots barbares, qui m’a donné le vertige… Il m’a fallu apprendre à m’y diriger, sans carte ni boussole. 5 ans plus tard, il en ressort quelques points forts qui m’ont aidée à tracer ma route et que notre onco-psychologue, Karen Kraeuter, m’a proposé, après un entretien où nous avions évoqué le sujet, de partager avec vous.

PARTIE 1

Les lignes qui suivent n’ont aucune prétention à une quelconque valeur universelle ; elles ne sont que le reflet d’une expérience personnelle. Chacun y prendra -ou rejettera-, à son gré, ce qui se rapproche de son propre parcours.

 

I – La spécificité du myélome multiple

Le rapport entre un hématologue et son patient a quelque chose d’unique dans l’univers de la médecine. Quelles que soient les pathologies dont nous avons souffert dans le passé et la qualité des rapports que nous ayons entretenus avec notre médecin, un désir commun sous-jacent les caractérisait : le souhait que cette rencontre soit la plus brève possible, le temps des adieux se confondant avec celui de la guérison.

Or, dans le cas du myélome multiple, ce schéma explose. Comme le disait un intervenant, lors d’une web conférence du MOOC : ”La rechute fait partie de la maladie. ” ; pour nous, donc, c’est un voyage au long cours qui débute le jour où nous rencontrons notre hématologue. Peu importe que les rencontres soient hebdomadaires, trimestrielles ou annuelles, cette femme ou cet homme que nous venons de rencontrer fait désormais partie de notre vie, et en fera partie jusqu’au bout. Bien plus, notre souhait le plus vif est que ces rendez-vous durent le plus longtemps possible, puisque cela signifiera qu’il ”maîtrise” notre pathologie… et que nous sommes toujours vivants !

Parallèlement, chacune de ses décisions va avoir des conséquences, directes ou indirectes, non seulement sur notre état de santé, mais aussi sur notre quotidien, sur notre mode de vie, sur nos occupations, sur notre appétit, sur notre sommeil… et sur notre état psychique et notre moral! C’est donc un nouveau type de relation qu’il va nous falloir inventer.

 

II  – Le patient, cet inconnu

Comment notre hématologue peut-il prendre conscience, lui qui nous rencontre âgé (la plupart du temps) et en situation d’extrême faiblesse, voire de détresse, des lignes de force qui structurent notre personnalité ? Comment saurait-il que cette vieille dame en surpoids, la larme à l’oeil dans son fauteuil roulant, était, il n’y a somme toute qu’une trentaine d’années, une jeune femme mince, radieuse et pétillante, ex-championne de slalom, qui prenait des risques insensés en ski hors-piste ? Comment saurait-il que ce vieux monsieur aux traits amers, recroquevillé sur sa canne, était un joyeux drille doublé d’un tombeur, et qu’il dirigeait de main de maître un service de 50 personnes ?

Pourtant, quels que soient les dégâts occasionnés par la maladie, nous gardons en nous des caractéristiques et des images de ce que nous étions avant ; c’est cela qui nous définit, bien plus que l’être (rayer les mentions inutiles) fragile, épuisé, larmoyant, perclus de douleurs, chauve, vomissant, effrayé, … que voient désormais les autres. Et c’est fort heureux, car c’est de cet avant que nous pourrons puiser, chacun à son rythme et à sa manière, les forces qui vont nous permettre de réduire au maximum l’emprise que le myélome multiple aura sur notre vie. Pour l’un, ce sera sa capacité d’analyse ; pour l’autre, sa volonté, ou encore son calme, sa combativité, ses aptitudes organisationnelles, son goût du bonheur, sa foi, son sens de l’humour, son orgueil, son amour d’un Autre ou des autres, … Ces forces, que nous pensons parfois avoir perdues, restent ancrées profondément en nous ; elles sont différentes pour chacun, mais n’en constituent pas moins LE levier fondamental de notre capacité de résilience. C’est à nous de prendre notre médecin par la main pour l’emmener à la rencontre de cet étranger. C’est en lui apprenant à mieux le connaître, à savoir ce dont il est capable, que nous lui ferons découvrir ces leviers sur lesquels il va pouvoir jouer pour que nous affrontions, ensemble, les défis qui nous attendent.

 

III   – La figure du médecin-partenaire

Dès lors que nous aurons franchi ce pas, c’est à un individu, pas seulement à un malade, que notre hématologue pourra s’adresser; c’est avec un individu, et pas seulement avec un médecin, que nous échangerons. Une consultation ”ordinaire” se déroule dans le registre informatif. A nos ”j’ai très mal aux côtes”, ”la morphine me constipe”, ”je suis épuisé”, l’hématologue répond par des prescriptions ou des recommandations. Il n’y a aucun échange intellectuel ; vous ne lui donnez aucune possibilité de connaître de vous autre chose que vos symptômes ! C’est à vous de lui parler, aussi, du vous global, de la manière dont vous vivez votre maladie, de vos peurs, de ce que vous attendez de lui, de l’orientation que vous souhaitez donner à votre fin de vie, …

C’est à vous, aussi, de poser des questions ! Plus vous comprendrez votre traitement, mieux vous serez armés pour faire face aux effets indésirables et aux éventuels échecs. Apprenez à déchiffrer vos Petscans avec lui ; demandez-lui quel est l’effet attendu des différentes molécules de votre traitement, comment elles agissent ; interrogez-le sur son pronostic ; anticipez sur les possibilités de la prochaine ligne de traitement ; demandez à être destinataire de vos comptes-rendus de consultation. Bref, devenez acteur de votre processus de soins ! Vous verrez que, de consultation en consultation, le contenu, le ton et l’ambiance de vos échanges vont évoluer et s’enrichir. Seule réserve : ne posez JAMAIS une question si vous ne vous sentez pas capable d’encaisser la réponse la pire, celle que vous redoutez.

Enfin, osez l’humour ! Le second degré et l’autodérision créent des liens plus vite et mieux que des heures de discussion ; en les pratiquant, vous autorisez implicitement votre interlocuteur à faire de même et le sourire, voire le rire, finit par faire de vous des complices qui font un pied de nez au myélome. Je garde de ma radiothérapie, outre les cicatrices de brûlures, le souvenir d’éclats de rire explosifs avec le Chef de service (et du regard un peu hébété des patients en salle d’attente quand nous sortions de son bureau)…

 

 

 

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