Aidants

Bulletin 35 -

Partie 1 : réponse aux mots de l’aidant

Dans la continuité de la thématique de la JNM 2018, nous vous proposons désormais une rubrique entièrement consacrée aux aidants. Voici la première partie de « Réponse aux mots de l’aidant » conçue par Karen Kraeuter, psycho-oncologue.

Apprendre que l’on est atteint d’un myélome multiple est le point de départ d’une épreuve individuelle mais aussi collective. L’entourage devra lui aussi vivre avec la maladie. Le vécu du malade, sa qualité de vie et ses capacités d’adaptation sont même étroitement liés au soutien pratique et affectif qu’il reçoit de ses proches tout au long du parcours. Accompagner son parent ou son conjoint malade est souvent une évidence, rarement un choix et personne n’y est vraiment préparé. L’aidant est nécessairement confronté à des difficultés et à des questionnements.

 

— Qu’a-t-il compris ?

Le malade a reçu l’annonce de myélome multiple. Il y réagit en fonction de la façon dont elle lui aura été faite par le médecin mais aussi de ses capacités à intégrer cette nouvelle qui bouleverse son existence. Certains, sidérés, s’enferment dans le silence, d’autres positivent, banalisent, s’effondrent, se révoltent ou recherchent un maximum d’informations. À ce stade, une part de déni n’est pas rare. L’aidant, bien que bouleversé, mesure en général mieux les enjeux de la situation et est parfois dérouté par les réactions du malade dont il se demande ce qu’il a réellement compris.

D’abord, s’il existe du déni, il est involontaire et surtout il a un rôle : protéger l’équilibre psychique face à une nouvelle trop menaçante. Ce n’est pas un ennemi de la vérité, mais plutôt un bouclier qui sera abaissé au fur et à mesure des jours et des semaines, au rythme de la capacité de chacun à intégrer l’information. Quant aux multiples expressions des difficultés, elles sont individuelles mais participent toutes du même processus : l’adaptation nécessaire à la situation. Chacun a besoin de temps pour trouver un nouvel équilibre, en lui‑même et avec ses proches.

Pour l’aidant, qui se demande quelle attitude adopter, accompagner ce processus chez le malade, sans forcer ni empêcher la prise de conscience et l’expression des émotions, positives comme négatives, n’est pas simple. Mais quand il réussit à faire preuve d’écoute, à accepter autant que possible les turpitudes émotionnelles et les troubles du comportement du malade, il facilite ce processus. Pour trouver cette force, l’aidant se rappellera que son proche malade a des ressources, qu’il s’agit d’une étape avant qu’un nouvel équilibre soit trouvé et que la Vie, avec le myélome, adaptée mais aussi renforcée, reprenne ses droits.

 

— Il n’accepte pas ses limites

Le malade est fatigué, douloureux. Il peine à se déplacer, à réaliser des actes quotidiens. Ses capacités physiques et intellectuelles sont impactées.

Mais malgré tout, il refuse d’être aidé, il veut absolument cuisiner, bricoler, conduire, faire les courses...On dirait même qu’il s’en demande plus encore qu’avant de tomber malade.

On essaie de le raisonner mais il banalise, s’agace, rassure, fait la sourde oreille ou se met franchement en colère.

Cette attitude peut témoigner d’un certain déni de la maladie mais le plus souvent, il s’agit d’une forme de rébellion, un refus d’accepter les limites brutalement et inexorablement imposées par le myélome. Intégrer, sinon accepter, de voir son statut, sa vie, ses projets et ses capacités affectés par la maladie demande du temps. Et une part de rébellion,

si elle ne menace pas la sécurité du malade ou l’équilibre des relations, est plutôt positive et constitue un levier pour avancer en dépit des complications et de l’incertitude.

 

— Il se laisse aller

À l’inverse, une attitude de repli sur la maladie peut aussi inquiéter l’aidant qui l’interprète comme un manque de combativité. Le malade limite ses activités, communique moins, refuse les déplacements. Il concentre son attention, ses actions et ses conversations sur ses symptômes et ses traitements. Cet état peut révéler une dépression. Il peut aussi être transitoire, un état de sidération ou d’obsession après une mauvaise nouvelle.

Le malade est envahi par la réalité de la maladie. Il se sent “malade”, il adopte cette identité au point de se confondre avec elle et d’oublier les autres dimensions de son existence et de sa personne.

Face à cette attitude, le proche peut être tenté d’être stimulant, voire “bousculant”, mais cette attitude est souvent contre‑productive. Le malade se sent incompris, non reconnu dans son statut de victime du myélome et peut même voir ses mécanismes renforcés jusqu’à la victimisation. Pour pouvoir dépasser cette étape psychologique et retrouver goût à réinvestir tous les espaces de son existence,

le malade a d’abord besoin d’être entendu dans sa souffrance. Le positivisme forcené lui est insupportable, créant un décalage douloureux entre lui et les autres. C’est là que l’écoute d’un professionnel peut être utile, pour lui et pour ses proches.

Une fois que le malade a pu librement exprimer des émotions et sentiments “négatifs”, la colère, l’injustice, l’angoisse, la tristesse, le découragement, il réussit en général à entrer dans une nouvelle étape, celle d’apprendre à vivre avec le myélome, une vie dans laquelle il n’est pas réduit à sa maladie.