Aidants

Bulletin 36 -

Partie 2 : réponse aux mots de l’aidant

Dans la continuité de la thématique de la JNM 2018, nous vous proposons désormais une rubrique entièrement consacrée aux aidants. Voici la seconde partie de « Réponse aux mots de l’aidant » conçue par Karen Kraeuter, psycho-oncologue.

Vivre avec le Myélome multiple est donc une épreuve personnelle mais aussi relationnelle où l’aidant dit “naturel” est confronté à des situations qui sont loin de l’être.

 

— Je ne le comprends pas

Face à la maladie, malade et proches sont envahis par des affects intenses et contradictoires. C’est ainsi, par exemple, que le malade peut se plaindre de ne pas être aidé mais peut refuser l’aide qu’on lui offre parce qu’il ressent à la fois le besoin d’être choyé et celui de préserver son autonomie.

Par ailleurs, l’anxiété majeure peut rendre la malade opposant et agressif, comme un état dépressif peut entamer sa sociabilité et son dynamisme.

L’aidant se retrouve devant un être qu’il perçoit différent de celui qu’il connaît et peut, de son côté, refuser profondément ce changement, attaché à la représentation qu’il a de celui ou de celle qu’il aime et dont il partage l’existence. Entre les difficultés du malade à s’exprimer et celles de l’aidant à entendre et à accepter, les occasions de malentendu sont nombreuses.

 

— Je me sens épuisé(e)

Accompagner quelqu’un qui est atteint de myélome multiple est une course de fond. Ce quotidien, même heureusement baigné de moments d’espoir, d’oubli et de plaisir, est ponctué par l’évolution de la pathologie, la variabilité des symptômes, les effets secondaires, les bilans, la fluctuation de l’humeur. C’est énergivore, physiquement et psychiquement. Sans parler de l’effort produit par l’aidant pour contrôler ses émotions et pour “tenir”. De nombreux aidants sont épuisés. Ils ont peu d’occasions et d’interlocuteurs pour l’exprimer. Et ils se l’autorisent peu. Même les meilleures volontés résistent mal à des années d’accompagnement et l’état d’épuisement finit par compromettre la capacité même à aider.

Et avant d’en parler utilement à un médecin ou à un psychologue, il existe des attitudes préventives : se réserver du temps pour soi, faire des activités qui font plaisir, déléguer et verbaliser précocement son ressenti au malade lorsque certaines situations ou comportements sont intenables. Le malade n’est pas un enfant, et lui exposer, en tant que son proche, ses propres limites, le remet aussi à sa place d’alter égo, d’adulte capable, qui participe à l’équilibre de la relation. Pour le malade, écouter et prendre soin des siens est aussi bénéfique. Parce que quelquefois, c’est bien l’aidant qui a le plus besoin d’aide.

 

— Je me sens coupable

Entre aide et sacrifice, la limite est vite franchie. L’aidant peut se sentir dépassé, trouver qu’il n’en fait pas assez ou qu’il n’a pas la bonne attitude. Face à une situation angoissante et épuisante, il peut se montrer fuyant, agressif, surprotecteur et le vivre mal, ressentir de la culpabilité Et lorsque la situation se dégrade, que les difficultés durent, que le malade est difficile, l’aidant peut même éprouver des émotions négatives, de la lassitude, du ressentiment. Ces sentiments, que tout un chacun peut ressentir, sont indépendants de l’amour et n’enlèvent rien au mérite de celui qui aide. S’autoriser ces sentiments “négatifs” est nécessaire pour éviter d’être englouti par la culpabilité. Ils font partie de notre humanité, ils font aussi partie de la mission d’aidant.

 

— Je ne me sens pas reconnu(e) 

Accompagner un proche malade demande énergie, compréhension et abnégation. Et si l’aidant trouve “naturel” de le faire, il ne se sent pas toujours reconnu à la mesure de son engagement. Il ne demande souvent rien, retient volontiers ses plaintes, s’oublie parfois. Alors, quand le malade se montre difficile, il peut le vivre comme un manque de reconnaissance. Évidemment, le malade se trouve parfois dans un état de mal-être que l’aidant, si proche, va subir. Et alors que le malade sait combien son aide lui est pourtant essentielle (il le dit aux professionnels de santé), il peut être incapable de le lui témoigner directement.

Il est important pour l’aidant d’exprimer ce manque de reconnaissance au malade. Poser des mots, des demandes et des limites est toujours profitable à la relation, d’autant que celui qui se débat avec la maladie et son propre vécu mesure mal l’impact de son attitude. Pour l’aidant, le désir d’être entendu et reconnu n’en est pas moins légitime.

 

— Pourtant l’épreuve nous rapproche 

Vivre avec le myélome multiple, c’est être collectivement traversé par de multiples émotions. C’est une aventure intense. Cette intensité et la solidarité dans l’épreuve sont propres à renforcer les liens entre le malade et ses proches. La menace de la perte et de la séparation que fait planer la maladie donne bien plus de goût au quotidien et aux relations. L’essentiel apparaît plus clairement, les priorités sont redéfinies au profit des dimensions les plus affectives et spirituelles de l’existence. À se demander pourquoi il faut parfois vivre de tels périls pour se rappeler ce qui compte vraiment.

Ce renforcement des liens et ce goût renouvelé de la Vie est le cadeau que cette épreuve, dans son adversité, peut malgré tout nous offrir. Cher payé, certes, mais un cadeau, sans aucun doute.

 

 

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