Témoignages

Bulletin 45 -

ATTENDRE

Régulièrement nous sommes nombreux, compagnons d’infortunes, à grossir les rangs d’une armée de vivants en attente de l’issue finale, qui viennent à la pompe ou à la seringue d’une drogue qui leur fait mal après injection mais qui leur donne espoir pour un temps à l’issue duquel il faudra recommencer. Dans les salles d’attente avant d’entrer en consultation hématologique, le qualificatif de patient qui nous est attribué devrait, paradoxalement, nous donner des capacités pour aborder cette étape. Or, chaque patient réagit en fonction de son histoire, de ses capacités à la gérer et de son stress du moment, à tel point qu’il existe différents types de pratiques d’attente dont il est possible de dresser une typologie

Le Jasant
La personne a un besoin irrépressible de “causer”, de faire savoir ce qui lui arrive et de faire reconnaître qu’il existe. Son histoire personnelle est contée de façon exceptionnelle ou le tableau est noirci à volonté pour augmenter son audience.

L’Ecoutant
Souvent repérée rapidement par le Jasant, la personne est pleine de compassion et met son oreille au service de l’autre, d’au moins deux façons :

  • L’écoute neutre, sorte de réceptacle, d’éponge qui absorbe le contenu des paroles émises sans sourciller et afficher des réactions, qu’elles soient étonnées ou compréhensives.
  • L’écoute active, qui ajoute au réceptacle une relance du Jasant par des questions permettant de situer le contexte et de comprendre.

L’écoutant ressort fatigué voire usé de sa période d’attente, si bien qu’en rentrant dans ses pénates, il a peu de choses à partager avec sa famille concernant le résultat de sa consultation mais beaucoup concernant l’état de santé de ses compagnons d’attente.

Le Comparant
La personne pose de nombreuses questions alentour qui n’ont qu’un seul but celui de comparer sa situation aux autres afin de la dramatiser ou, au contraire, de la relativiser positivement.

Le Taiseux
La personne s’enferme dans une activité de lecture, de son livre de chevet ou de ses courriels, de réalisation d’une réussite sur sa tablette , etc. Sa posture est recroquevillée sur sa chaise. Elle ne dit pas bonjour et ne relève pas la tête au passage de soignants dans le couloir. Attention à l’eau qui dort. Si certains taiseux s’enferment radicalement, d’autres ont toujours une oreille dressée leur permettant de capter des bribes orales des comportements de ses compagnons d’attente.


Le Bougonneux
La personne est attentive à tout ce qui ne va pas et entrave la façon dont son attente doit se dérouler selon elle. Elle râle à propos :

  • De la durée de consultation du patient précédent qui entraine mécaniquement un retard pour son entrée en cabinet
  • De la chaotique circulation d’informations entre l’administration, l’hématologue, les infirmières, etc.
  • Du retard des ambulanciers qui s’ajoute encore à l’épreuve de l’attente

La liste peut être longue car accroissement du nombre d’évènements irritants et augmentation du degré d’irritation du Bougonneux, vont de pair.

 

J’arrête là cette typologie mais chacun pourra y ajouter des types et des sous-catégories en fonction de son vécu. Bien sûr nous ne sommes pas obligés de nous identifier à l’un ou l’autre de ces types car nous avons la possibilité de passer de l’un à l’autre en fonction des situations d’attentes et de notre humeur du moment.

Être attentif à la réalité qui m’entoure, un peu à la façon de l’humoriste ou de l’ethnologue, s’exercer à la méditation en pleine conscience, me permet de relativiser la situation d’attente en adaptant ma pratique d’attente pour me concentrer sur la construction de ma relation avec mon hématologue, ce qui reste l’essentiel concourant à la qualité de mon parcours de soins.

A chacun de trouver sa solution pour prendre soin de lui.

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