On se dit tout

Bulletin 35 -

Valentine, une jeune femme lucide soutenue par un père combatif

Valentine, 39 ans, occupait un poste de travailleur social en centre d’hébergement. Elle est l’aînée d’une fratrie de cinq enfants, 3 sœurs, travaillant dans le secteur de la santé et un frère, jeune papa. Diagnostiquée en 2017 d’un myélome multiple et vivant seule, c’est tout naturellement que son père, Francis, l’a accueillie chez lui durant ses traitements.

Valentine été diagnostiquée en août 2017, après une errance thérapeutique de plus de 9 mois. Tout a commencé en décembre 2016 par une très grosse bronchite qui n’a pas réussi à être soignée malgré les antibiotiques. « J’avais du mal à marcher, j’étais très essoufflée, j’étais très fatiguée pour aller prendre le bus, même éternuer me faisait souffrir ».

 

Des sœurs bienveillantes

C’est grâce à l’une de ses sœurs travaillant à l’hôpital que Valentine a pu être traitée rapidement. À la suite d’un examen montrant une anémie sévère, Valentine a effectué une électrophorèse des protéines. « Lors de l’annonce de la maladie, mes sœurs sont restées très dignes, elles et mon frère ont su avant moi que j’avais une maladie très grave. Une de mes sœurs m’a demandé mes résultats d’examen afin de les soumettre au pharmacien et à l’hématologue de l’hôpital de Metz dans lequel elle travaillait ». Par suite d’un rendez‑vous avec l’hématologue et d’une radio complète des os, la maladie s’est avérée être à un stade avancé. Valentine a dû être hospitalisée en urgence. « Il fallait me transfuser rapidement. Je n’étais plus en état de bouger. On m’a proposé d’intégrer un essai clinique au CHU de Nancy. Heureusement, j’avais toute ma famille auprès de moi malgré l’éloignement, mes sœurs habitent à plus de 300 km ».

 

La maison familiale, véritable refuge

Séparée juste avant l’annonce du diagnostic, Valentine vivait seule. À la sortie de l’hôpital, Francis a proposé à sa fille de venir s’installer chez lui. « On a tout organisé, je lui ai laissé ma chambre au rez‑de‑chaussée pour qu’elle n’ait pas à monter les escaliers. Je ne me suis pas demandé combien de temps cela allait durer, il n’y a pas de limite quand on doit s’occuper d’un proche ». Francis s’est occupé de sa fille durant 5 mois. « J’étais très douloureuse, je n’arrivais plus à me déplacer. Mon père a tout géré tout seul ».

L’une des autres filles de Francis est venue habiter quelques mois chez lui. Elle a alors déclaré : « Franchement, on est bien chez papa », ce que Valentine a confirmé. Francis me confie : « Ça fait plaisir à entendre. C’est alors qu’on a appelé la maison : le refuge ». Depuis, il s’est installé une habitude dans la famille. « Comme je ne travaille pas, je vais dormir chez mon père régulièrement avec mes sœurs qui ne sont pas sur Metz. On va faire en sorte à présent de se retrouver régulièrement en famille ».

 

Quand la maladie resserre les liens familiaux

Valentine et son père avaient des relations pauvres et irrégulières depuis dix ans, avant la maladie. « Mon père, à l’annonce de la maladie, a fait comme s’il ne s’était rien passé durant les dernières années ». Pour lui, sa fille était malade et « dans ces cas‑là, on déplace des montagnes ». Francis n’a pas cherché à obtenir d’aide, il a tout assumé tout seul. « C’est ma fille, ce n’est pas une étrangère ! ». Comme Valentine l’explique « Il a été là quand j’étais en chimio intensive, quand je vomissais, quand je perdais mes cheveux. On a maintenant une relation très forte, car on a vécu ensemble pendant 5 mois. Cela a renforcé nos liens, on a retrouvé une complicité ».

 

Mon père, ce super héros

Francis veillait sur sa fille nuit et jour. « Je la surveillais la nuit. Quelque fois je me levais pour vérifier si elle dormait, si elle n’avait besoin de rien ». Valentine m’explique qu’elle ne sait pas comment elle aurait fait si son père ne l’avait pas accueilli pendant ces cinq mois. « J’ai découvert chez mon père des ressources insoupçonnées. Je ne l’ai jamais vu inquiet, il avait toujours des mots pour me rassurer, il suffisait juste qu’il me regarde dans les yeux et me dise « Allez, ça ira » pour que j’aille mieux ! »

Comme l’explique Francis, « c’est une maladie que je ne connaissais pas du tout. Je me suis dit, il n’y a pas 36 solutions, il faut affronter la maladie et se battre ».

 

Tel père, telle fille…

Francis qualifie sa fille de très courageuse. « Elle est très lucide et avec une bonne dose d’optimisme. À l’annonce de sa maladie, elle m’a dit : ce n’est pas la peine de venir me voir en pleurant ». Pour Valentine, « même malade, on reste responsable de nous‑mêmes et de l’évolution favorable de notre état physique. Il faut tenter de tirer parti de ces épreuves. Même dans la maladie, on peut avoir des champs d’actions ». Francis ne s’est confié à personne durant l’accompagnement de sa fille dans la maladie. « À qui vouliez‑vous que j’en parle ? À mes autres enfants ? Ils voyaient bien la situation, ce n’était pas la peine d’en rajouter. Je ne sais pas si je l’ai soutenu moralement, j’ai fait ce qu’un père doit faire avec sa fille ».

 

Des projets plein la tête

Valentine est retournée chez elle début janvier 2018. Aujourd’hui, en traitement de maintien pour un an, elle est en rémission partielle. Valentine s’est impliquée dans l’association AF3M. Tutrice de soutien pour le MOOC, elle a également suivi la formation sur l’écoute. « Avec un autre bénévole à Metz, nous souhaitons mettre en place des groupes de paroles ou en tous cas, élargir le réseau de malades et de bénévoles sur la Moselle ». Elle vient également de terminer un bilan de compétences. « Je voulais déjà changer d’orientation professionnelle avant d’être malade. Je me suis dit qu’il fallait que je redémarre à zéro. Je suis sur plusieurs projets, peut‑être sur l’éducation thérapeutique du patient ». 

 

 

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