Bulletin 27 -

1. Du patient au patient « expert »

Pas besoin de faire un déroulé précis depuis la période « préhistorique » de la prise de parole des malades, c’est- à-dire avant les États généraux de 1998 organisés par la Ligue contre le cancer, pour se rendre compte que le temps du patient qui écoute sagement ce que dit le médecin est, presque, terminé.

Comme le disait Henri Pujol, président de la Ligue à l’époque, « les malades ont pris la parole et ils ne comptent pas la rendre ». Cela n’a pas été démenti par l’élan associatif qui a suivi. Les malades ont brisé les tabous et sont devenus témoins, notamment face aux professionnels du soin. Puis, ils ont voulu aller plus loin et… agir. Les patients deviennent acteurs de leur maladie. Ils se renseignent, sur Internet, dans des brochures, auprès d’autres malades. Sans forcément les remettre en doute, ils confrontent les dires des médecins à d’autres sources.

Progressivement, ils se rendent compte qu’ils peuvent influencer leur parcours de soins et deviennent experts de leur maladie… voire experts de la maladie. C’est ce que le plan cancer appelle aussi le patient ressource, que d’autres appellent le patient partenaire. Au-delà de la sémantique, il faut se réjouir de cette entrée des patients dans le cercle de ceux qui influent sur le parcours de soins. Si nous en sommes là aujourd’hui, la phase suivante est de devenir des co-constructeurs de l’organisation du parcours de soins en lien et au même titre que les professionnels de santé et du champ social : tous sont acteurs de la prise en charge globale et pluridisciplinaire des malades et de leur entourage.

Certes, on ne demande pas à tous les patients de devenir experts. Chacun, selon ses désirs et ses capacités s’investit comme il l’entend. Mais la dynamique est là et elle est irréversible. C’est ce qu’on appelle la démocratie sanitaire*.

D’ailleurs, le plan cancer promeut ce rôle central des patients notamment dans son action 7.15 « soutenir des expériences de « patients ressources » bénévoles et évaluer l’apport et les conditions de leur participation à l’accompagnement des personnes atteintes de cancer. » 


Qui dit patient « expert »… dit expertise


Qu’il s’agisse de devenir expert de sa propre maladie ou de devenir patient « ressource », la formation est un enjeu essentiel. Il faut d’abord noter que l’un des objectifs clés réside dans la formation des professionnels soignants, à commencer par celle des médecins à l’approche du patient. Ce point est mis en avant dans l’action 7.14 du plan cancer qui prévoit de renforcer la formation et la sensibilisation des professionnels de santé à l’éducation thérapeutique, à l’hôpital comme en ville (médecin, pharmacien, infirmier). Grâce à son expérience et à sa formation, le patient intervenant en ETP* (Éducation Thérapeutique du Patient) apporte un éclairage différent et une approche complémentaire de celle des professionnels de santé, non seulement en représentant les malades, mais aussi en faisant émerger la nécessité de prendre en compte sa parole dans la « nouvelle relation de soin ». Voilà la raison pour laquelle le patient « expert » a toute sa place dans le processus de formation des professionnels de santé. Ceci étant dit, les premiers patients intégrés dans des groupes de travail, se trouvant face à d’autres malades ou à des professionnels faisaient de l’empowerment* patients, comme M. Jourdain faisait de la prose sans le savoir… et sans y être préparés. Très vite l’importance de la formation s’est posée dans un triple objectif de protection du patient lui- même et des patients qu’il pourrait rencontrer, d’efficacité de la démarche et de modélisation. Former et modéliser ne veut pas dire formater, loin de là. D’autant que le premier apprentissage est systématiquement une formation à la prise de parole en public, qu’il s’agisse d’intervenir face une salle ou dans un groupe de travail. Le second volet important est la transmission au patient « expert » de quelques clés, selon la mission à laquelle il est voué.

 

définitions

*La démocratie sanitaire est une démarche qui vise à associer l’ensemble des acteurs du système de santé dans l’élaboration et la mise en oeuvre de la politique de santé,
dans un esprit de dialogue et de concertation. (ARSIle-de-France)

 

*L’Éducation Thérapeutique du Patient (ETP) est une pratique complémentaire des soins pouvant être mise en œuvre auprès de personnes vivant avec une maladie chronique. Cette pratique personnalisée selon les besoins de l’individu est basée sur une approche pluridisciplinaire faisant intervenir plusieurs professionnels de santé et/ou associations de patients. Celle-ci vise à « aider les patients à acquérir ou maintenir les compétences dont ils ont besoin pour gérer au mieux leur vie avec une maladie chronique ». Partie intégrante de la prise en charge du patient, elle reste complémentaire et indissociable des traitements et des soins, du soulagement des symptômes et de la prévention des complications (HAS).

 

*L’empowerment est l’octroi de plus de pouvoir aux individus ou aux groupes pour agir sur les conditions sociales, économiques, politiques ou écologiques qu’ils subissent. Divers équivalents ont été proposés en français : « capacitation », « autonomisation », « responsabilisation », « émancipation » ou « empouvoir ».