Bulletin 53 -

4. Le point de vue de Karen Kraeuter, psychologue

Reprendre le contrôle par l’action


Ces témoignages montrent à quel point, de nombreux patients, confrontés à la maladie ressentent le besoin de se lancer dans des projets personnels, porteurs de sens. Les motivations sont différentes d’un patient à l’autre. Cette impulsion s’explique par un rapport au temps profondément bouleversé : face à l’incertitude et au possible risque de finitude, il devient urgent de concrétiser des rêves jusque-là différés. Ces projets permettent aussi un dépassement de soi, une manière de se confronter à un autre défi que celui de la maladie et des traitements, mais aussi d’être capable de le relever. Ce besoin d’action traduit une volonté de rester acteur de sa vie malgré la perte de contrôle imposée par les traitements. Isabelle l’exprime très bien, au lieu de rester à attendre, et face à l’incertitude, elle préfère se lancer dans ce road-trip.

 

Du besoin de liberté à la résilience

 

Le patient cherche à trouver des marges de liberté dans cet ensemble de contraintes imposé par la maladie et les traitements. Isabelle en est l’exemple, elle fait décaler son traitement pour pouvoir réaliser son projet, elle impose un peu son rythme et ses priorités. Les marges de manoeuvre certes sont faibles, mais lorsque les médecins ont la possibilité et la sensibilité de les accepter, il y a un grand bénéfice psychologique pour les patients et une avancée vers l’acceptation de la maladie et des soins. L’épreuve du myélome va ébranler toutes les certitudes, les fondements des malades. Ils vont alors utiliser les projets pour grandir et être meilleurs. D’une certaine manière c’est aussi une occasion de se réaliser, d’apprendre sur soi-même. Ce projet s’inscrit dans cette dynamique de résilience, pouvant aller jusqu’à la sublimation, c’est-à-dire amener les difficultés physiques et psychiques à un niveau supérieur. Elle peut se traduire par la création artistique, par l’effort, dans la motivation à parler du myélome, à porter la cause dans l’associatif.

 

Revenir à l’essentiel, exprimer sa gratitude


L’épreuve de la maladie, le risque de finitude poussent le malade à revoir ses priorités et à revenir à l’essentiel, en abandonnant le superflu. Le road-trip en est le parfait exemple où le malade accepte des conditions de vie plus spartiates. Cette prise de conscience perdure après l’épreuve de la maladie. Il faut être confronté à ce niveau d’épreuve pour mesurer la valeur de l’existence. Faute de pouvoir donner un sens personnel à la maladie, les malades en donnent un sens collectif, en portant une cause, en s’engageant en tant que bénévole. Ce glissement du « pourquoi moi » au « pour quoi faire » donne une portée plus universelle à leur engagement et une manière d’exprimer leur gratitude aux professionnels de santé, à l’association.

 

 

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3. Vincent, en stop au Myélome Multiple